4. La folie tardive

Au début du XVIIe siècle, elle arrive en Italie en même temps que la guitare espagnole et les danses qu'elle accompagne : la sarabande, la passacaille ou encore la chaconne. Elle est adoptée par Kapsberger qui en publie des variations dans son Libro primo d'intavolatura di chitarone (1604). Son nom est italianisé en follia.

Une forme plus récente naît dans les années 1670. Elle est attestée pour la première fois dans Les Folies d'Espagne pour ensemble de hautbois et bassons de Lully, nom sous lequel elle reste connue en France. 

La folie tardive est associée à celle établie par Lully. Prenant la folie jouée en Espagne, Lully réduisit le rythme frénétique de la danse au goût courtois de Versailles, en composant une pièce calme, parfaitement symétrique dans laquelle le thème principal était sujet à variation. A cette époque, la folie fut connue sous le nom de Folía de España, lorsque Lully donna ce nom.

La foliae tardive est basée sur le suivant schéma harmonique:

Écoute:  Les Folies d'Espagne de Lully (cliquez ici)

Michel Farinel l'importe en Angleterre, où elle prend le nom de Farinel's Ground («ostinato de Farinel »).

On peut se faire une idée de succès provoqué par ce thème en lisant ce que dit Robert de Visée dans l'introduction de son Livre de guittarre (1682) :

«…on ni trouvera point non plus de folies d'Espagne. Il en court tant de couplets dont tous les concerts retentissent, que je ne pourois que rebattre les folies des autres.»

En 1717, le maître à danser allemand Gottfried Taubert écrit également que la folia est «la plus connue des mélodies de sarabande».

En France, dans sa Troisième Suite en ré mineur de ses Pièces de Clavecin (1689), Jean-Henry d'Anglebert donne vingt-deux couplets sur Les Folies d'Espagne, et François Couperin compose vers 1722 Les Folies françaises ou les Dominos, suite de variations sur un thème musical très proche (Troisième livre de clavecin13e ordre, si mineur).

Écoute:  Pièces de Clavecin d'Anglebert (cliquez ici)

Écoute: Les Folies fraçaises de Couperin

Le thème est repris notamment par Bernardo Pasquini, Partite sopra la Aria della Folia da Espagna pour clavecin, Corelli en 1700 dans la sonate Op. V nº 12, Marin Marais en 1701 dans le deuxième livre de ses Pièces de viole, Alessandro Scarlatti dans ses Variazioni sulla “Follia di Spagna” qui terminent la Toccata nel Primo Tono pour clavecin (1710), Antonio Vivaldi dans sa sonata da camera no12 Op. 1 (vers 1705) et son opéra Orlando Furioso en 1727 et Bach dans sa cantate dite « des paysans » BWV 212, en 1742. Son fils Carl Philipp Emanuel publie 12 Variations auf die Folie d'Espagne pour pianoforte WQ. 118/119 et 270. Celle de Corelli, incluse dans l'Opus 5 de ses sonates pour violon et continuo, eut une influence particulière sur la formation d'une vaste gamme de styles de variations sur ce thème, ensuite imitées par d'innombrables compositeurs plus ou moins connus.

Écoute:  Sonate op. V nº 12 de Corelli 

Écoute:  Sonata da camera op. 12 nº1 de Vivaldi  

Écoute: 12 Variations au die Folie d'Espagne de Carl Philipp Emanuel 

Dans toute l'Europe et durant tout le XVIIIe siècle, la folie devient l'un des terrains favoris pour des variations instrumentales d'une haute virtuosité.